LES BALLONS - Micheline Boland - En souvenir de Bellou.

Publié le par Tina

 

Je vais oublier la contrariété que j'ai eu, en ne retrouvant pas le conte de Micheline Boland, LES BALLONS , concernant la mort d'un enfant.
Dans son histoire la petite est bien plus jeune. La nôtre avait neuf ans de plus.

Je viens de retrouver ce conte je le joins ici, au nom de toute notre famille qui bien que le temps passe, n'oublie jamais notre Belle BELLOU;
Imaginons que nous sommes le 20 Juin, ..... Nous sommes juste un peu en retard, pour des raisons techniques.

 

ballons bellou

 

LES BALLONS

 

Samedi après-midi. Il y a seulement quelques heures que Marinette, huit ans, a fait son dernier voyage. Les rues du village sont calmes. Chacun reste chez soi, bien au chaud avec sa colère, sa tristesse, ses peurs, ses doutes, ses questions.

 

Le matin, la  petite église était noire de monde. Il y avait des gens jusque dans le porche et même sur le parvis. Monsieur le Curé n’a pu s’empêcher de pleurer durant l’homélie du vieux prêtre retraité qui habite la paroisse. Les pleurs de l’assistance l’avaient gagné peu ou prou pendant tout l’office. On l’avait vu trembler, on l’avait entendu, lui le grand orateur, bredouiller comme cela ne lui était encore jamais arrivé. Les gosses de l’école semblaient tétanisés. Au cimetière, chacun avait jeté une fleur blanche sur le cercueil. Puis, on était rentré chez soi.

 

Les magasins étaient restés fermés. Des villas mais aussi de simples bicoques avaient gardé leurs volets clos. Ultime hommage à une vie éteinte. 

 

Le mardi précédent vers seize heures, Marinette avait été renversée par une voiture sur un passage pour piétons. Elle allait acheter un pain à moins de cent mètres de chez elle. Le conducteur roulait vite, trop vite. Il se rendait à la clinique où sa femme venait d’être admise après avoir fait un malaise cardiaque sur son lieu de travail.

 

Ce mardi-là, la mort rôdait. Marinette n’est plus. L’homme, un habitant d’un village voisin, est complètement désemparé. Sa femme vient de mourir et il a tué une fillette. Combien de temps lui faudra-t-il encore arriver à vivre avec ce poids sur le cœur ? Il a tenté de se jeter sous les roues d’un camion. Il s’en est sorti avec des blessures assez superficielles. Pourtant, on l’a hospitalisé. À l’hôpital, il est à l’abri de la fureur des gens ! De plus, voilà son désarroi mis provisoirement entre parenthèses grâce à l’action de quelques médicaments ! 

 

Tout le dimanche, une pétition a circulé pour demander aux autorités communales de placer des casse-vitesse en différents endroits du village. De nombreuses personnes sont allées poser des fleurs ou des nounours sur le trottoir, à hauteur du lieu de l’accident.

 

Le lundi suivant l’enterrement, la cour de récréation de l’école paraît engourdie de sommeil. Les enfants jouent à peine. Quelques joueurs de bille, trois ou quatre fillettes qui sautent à la corde, quelques gamins qui font les cent pas dans le préau. Les autres sont assis sur les bancs comme s’ils s’efforçaient d’être sages de crainte d’avoir eux aussi un accident. Des parents agglutinés à la porte d’entrée de l’école parlent à voix basse pour protéger les gosses de leurs émotions. Chuchotements de confessionnal, de commères endeuillées. On condamne tout à la fois les parents de Marinette : « Une pauvre gamine trop souvent livrée à elle-même », l’automobiliste responsable : «Quand on ne contrôle pas ses émotions, on ne conduit pas », la configuration des lieux : « Le passage est mal situé, trop près du tournant… » 

 

La cloche sonne. Les rangs se forment. Monsieur le Directeur propose une minute de silence en hommage à la petite fille disparue puis il annonce que dans chaque classe un moment d’échange est prévu pour parler de ce qui est arrivé. Les élèves rentrent en classe. Impossible d’éviter le sujet qui peine. Chaque instituteur débute la journée par une sorte de ‘conseil de classe’ permettant aux enfants de s’exprimer. Dans chaque classe, on évoque le décès de Marinette, on livre ce qu’on a sur le cœur. On est d’accord sur un point : « Il faut faire quelque chose… »

 

Faire quelque chose ? Une autre pétition ? Le dépôt d’un jouet sur la tombe de la Marinette ? Une collecte pour élever une stèle à sa mémoire ? L’écriture de poèmes ? Un article pour le forum d’un grand journal de la capitale ? 

 

Le petit Léo, un élève de la classe de Marinette explique que lors de la fête nationale il a assisté à un lâcher de ballons : « On a tous fait un vœu en le lâchant…  Si on faisait un vœu pour Marinette ? » Cette suggestion séduit les enfants. 

 

C’est ainsi que l’idée a été répercutée lors de la réunion du personnel et qu’a germé le projet d’un lâcher de ballons. Oui, on allait lâcher des ballons vers le ciel en ayant dans son cœur une pensée pour Marinette, en lui offrant tous les mots qu’on n’avait pu lui offrir avant.

 

La semaine suivante, les élèves et les enseignants se rendent en cortège sur la colline qui surplombe le village. Cortège recueilli, silencieux.

 

Arrivés au sommet, les enfants sont invités à penser à Marinette.  Monsieur le Directeur compte jusqu’à trois. Et puis des ballons rouges, bleus, verts, blancs, roses, jaunes s’en vont vers le ciel, vers Marinette… Les élèves les regardent s’envoler puis disparaître de leur vue…      

 

Sur le chemin du retour, les gosses ont retrouvé quelque chose de leur joie de vivre. Ils bavardent avec retenue, puis de plus en plus fort. Certains rient même en croisant un chien qui porte un drôle de petit manteau à carreaux.

 

Aujourd’hui encore, parfois, l’un ou l’autre enfant lance un regard vers le ciel en pensant à Marinette. Elle est devenue leur étoile.

 

Micheline Boland  

 

Merci Micheline, nous avons tous des étoiles qui sont nôtres sans le cieL.

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